Publié chez Brandon & Compagnie et Abribus, Vincent Germani est un auteur qui inspire à la fois par sa vision de l’écriture et par la rêverie qui se dégage de ses écrits. Formé aux arts plastiques, ses œuvres exposées à Paris et en province, il s’est tourné depuis plus de cinq ans à temps plein vers l’écriture.
1. Qu'est-ce qu'être auteur aujourd'hui ?
La question est vaste et Vincent Germani ne manque pas de le souligner : “ j’ai la sensation qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus”. Il existe un fossé radical entre les auteurs mis en lumière, “ceux pour qui cela fonctionne” et ceux qui aiment, qui tentent, qui désirent écrire mais demeurent dans l’ombre.
De fait, Vincent Germani se retrouve dans la ligne adoptée par Brandon & Compagnie et d’autres acteurs : un apprentissage pour les auteurs en devenir, une reconnaissance du travail de l’écrivain, et une exigence littéraire forte des œuvres publiées.
Cette ligne permet de réduire le fossé, “c’est un entre-deux, une transition plus douce entre les deux états”. Et plus accessible. Cela donne l’opportunité de pénétrer ce monde de l’édition même sans en faire partie à l’origine, loin du cliché de l’oncle ou de la copine travaillant dans une maison d’édition parisienne.
Pour Vincent Germani, le défi est de plus en plus grand d’intégrer les maisons d’éditions les plus connues, celles de la capitale : “il faut se faufiler. On a même l’impression que cela relève de la chance. Les ateliers, c’est une main tendue pour perfectionner son écriture.”
Et de fil en aiguille, avec beaucoup de travail et de persévérance, on peut même se retrouver à être publié.
Être auteur pour Vincent Germani, repose avant tout sur le désir d’écrire : “le désir appelle le talent. Et quand il y a désir, il y a forcément création.”
Quant à la notion de travail, elle repose, pour lui, avant tout sur la lecture et l’écriture, et notamment les phases de relecture et de réécriture. Depuis ses collaborations avec deux éditeurs — Abribus et les éditions Brandon — il s'est produit un déclic : “désormais, j’aime repasser sur un texte, et en rendre une seconde version. Auparavant, je n’avais pas conscience de mes erreurs et de mes faiblesses”. C’est en prenant conscience d’elles, en apprenant comment les travailler, que la réécriture est devenue appréciable.
Être auteur pour Vincent Germani suppose aussi un éveil au monde : “je crois plus à l'éveil de l’auteur, dans mon fonctionnement, qu’à des phases d’alternance entre isolement et ouverture aux autres.”
Et c’est une conscience de chaque instant. Être auteur ne se joue pas seulement devant la feuille ou les mains sur le clavier mais bel et bien à chaque moment de la journée et de la nuit. “Je crois que l’écriture se fait aussi par l’état d’esprit, à tout moment. C’est regarder au travers de la réalité et en soi”. Il s’agit donc de s’éveiller au monde par tous les moyens, et d’explorer son intériorité.
En amont, les mots ne se posent pas forcément sur le papier, mais c’est un travail qui impacte l'écriture.
2. Le parcours d'auteur de Vincent Germani
Étudiant à l’école d’art de Grenoble quelques années, Vincent Germani s’est véritablement lancé en écriture durant ses années de formation. Le désir d’écrire — exprimé au travers de petits textes, de réflexions, de commentaires de lectures — était plus ancien.
Chez lui, production artistique et écriture se sont imbriquées très tôt et se côtoient encore. “Gamin, je dessinais énormément mais dès le départ, la démarche de vouloir raconter des histoires était présente”.
Le déclencheur ? L’année 2014 et cette nécessité de placer l’écriture au centre de son existence, de son quotidien. Et l’envie de se lancer sur de plus gros textes, des romans. Il y a d’abord eu des premiers romans très courts, frisant la novella, avant la publication de Léman IX en 2019 aux éditions Brandon.
Pour Vincent Germani, l’écriture de ce roman est partie d’une rêverie, comme un grand nombre de ses textes. “Je ne suis pas dans la conceptualisation mais bien plus dans l’exploration de mon intériorité”. Son monde intérieur donc, et ce désir d’écrire sur les dessous d’une famille austère.
Pour autant, Vincent Germani ne se retrouve pas dans le qualificatif d’écrivain : “je suis plutôt quelqu’un qui écrit. Je trouve cela un peu périlleux de prétendre à ce titre.”
Pour lui, l’écriture — mêlée à la poésie et la peinture — est avant tout un travail d’épanouissement personnel : “l’écriture permet d’ouvrir des portes intérieures et de grandir. C’est tout un bien-être.”
Dans les carnets autobiographiques que Vincent tient au quotidien, il y fait communiquer dessin, peinture et écriture et la rêverie qui s’en dégage se retrouve dans ses écrits.
3. Quels obstacles peut-on rencontrer en tant qu’auteur ?
Vincent Germani relève avant tout la première épreuve que rencontre chaque auteur : débuter l’écriture. Le concernant, elle s’est avant tout manifestée au travers du peu de répondant par rapport à ses textes, notamment le regard de proches “pas forcément très objectif”. La difficulté liée à cela était de ne pouvoir évaluer la valeur de ses écrits.
Palliant ce manque d’écho, les retours d’éditeurs par la suite ont eu un véritable impact et l’ont énormément aidé. “Grâce à leur regard de professionnels, posé, j’ai pu améliorer mes textes, notamment sur des sujets de redondance, et de formulations parfois trop ampoulées”.
Vincent Germani le souligne avec force, ce besoin de répondant pour s’améliorer est essentiel pour tout auteur, d’autant plus lorsque l’on débute.
Vincent admet être sans cesse dans la correction, parfois même jusqu’à la relecture de mes textes imprimés. “Je suis dans l’insatisfaction permanente.”
4. À quoi ressemble ton quotidien d'auteur ? Quel est ton rythme d'écriture, tes habitudes ?
À l’instar de certains auteurs, Vincent Germani n’adopte pas de rythme ou d’horaire définis mais il s’inscrit dans une constance d’écriture. “L’inspiration est assez facile pour moi, les idées viennent au jour le jour. J’écris lorsque je le sens, souvent le soir.”
Au quotidien, cela représente entre deux heures et six heures d’écriture par jour, investi dans un va-et-vient entre lecture et écriture. Ses écrits de la journée, ou de la nuit, se retrouvent également dans ses carnets, son journal de bord qu’il remplit de ses pensées intimes qui peuvent servir à déclencher un texte, de ses sensations, de ses émotions, de ses notes de lecture. “Ces carnets sont un catalyseur pour écrire”.
S’interrogeant sans cesse sur ce que les choses qui l’inspirent, Vincent Germani cultive une émotion littéraire constante, portée par l’amplification de ses écrits au quotidien.
Il a pris l’habitude d’écrire tous ses premiers jets de roman dans ses cahiers : “il y a un rapport plus vrai, plus ouvert à l'environnement, plus charnel” dans l’écriture à la main.
Il est vrai qu’aucune âme, qu’aucun sang ne pulse sous les touches de nos claviers.
5. Sur quels axes d'amélioration travailles-tu en écriture ?
Tout auteur agit sur ses axes d’amélioration au quotidien, dans sa pratique, et toute singularité fera à la fois la force et la faiblesse de son style.
En ce qui le concerne, Vincent Germani note un travail à approfondir quant à la structure narrative de ses textes et l’approfondissement de l’antériorité de ses personnages.
“Je reste toujours ouvert aux remarques que l’on peut me faire. L’origine de certains personnages, leurs expressions, leur manière d’intégrer leur récit a pu être interrogée alors c’est un axe de travail pour moi”.
Autre piste à explorer : la temporalité. Vincent Germani se dit attiré par le passé “vers des époques plus anciennes, surannées”. L’enjeu pour lui est de trouver l’équilibre, dans son écriture, entre passé et présent.
6. Quelle place doit ou peut tenir la formation en écriture dans le parcours d'un auteur ?
Les formations d’écriture proposées par Brandon & Compagnie — Vincent Germani n’en a pas fréquenté d’autre — lui paraissent être un chemin sûr d’apprentissage.
Que l’on se forme en atelier ou seul, la consigne demeure la même : “écrire, écrire, écrire”.
Inversement inattendu, c’est après la publication de son roman Léman IX aux éditions Brandon en 2019 que Caroline Nicolas, éditrice des mêmes éditions, lui propose de suivre une partie du cycle “Roman” proposé par Brandon & Compagnie.
Les bases théoriques de la formation lui servent de soutien dans sa pratique quotidienne et certaines sessions restent en mémoire, “notamment celle dédiée aux mythes et leur utilité en écriture”.
Cela permet à Vincent Germani de travailler quelques axes d’amélioration mais surtout d’éviter de rester dans sa zone de confort et de toujours apprendre. Dans la lecture autant que l’écriture, il recommande de faire preuve de curiosité. D’avoir un certain goût pour l’aventure : “il faut se frotter à des textes de colorations différentes. Pour se former, il faut oser la brèche”.
La brèche, dans ses textes, se manifeste notamment par des essais divers, pour tenter de toucher aux confins de son univers littéraire. Et Vincent Germani apprécie la résonance qui lie ses écrits. Pour lui, un texte en amène toujours un autre.
7. En quoi consistent les phases de travail éditorial ?
Vincent Germani fait partie des auteurs qui apprécie la relation d’éditeur/auteur. “Cette proximité entre le regard de l’éditrice et le texte” en évoquant sa collaboration avec Caroline Nicolas des éditions Brandon.
D’ailleurs, ce lien s’est ressenti dès le début. “J’ai été très agréablement surpris par le temps que Caroline a pris pour me parler du manuscrit de Léman IX et du détail de ses propos pour retravailler mon texte.”
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le travail éditorial pour Léman IX avec Caroline Nicolas fut “beaucoup plus dense sur la fin, plus doux au début”. A y réfléchir, cela paraît en fait logique : l'implication se révèle plus dense à deux doigts de l’aboutissement.
8. Quels conseils as-tu pour des auteurs en devenir qui souhaitent concrétiser leurs projets et même se professionnaliser ?
Vincent Germani tient d’abord à recommander que tout auteur en devenir soit certain de son désir d’écrire. C’est faire la différence entre la tenue de son journal intime et l’écriture pour les autres, celle qui nous fera créer des univers et nous engager dans un marathon de plusieurs années. “Toutes les écritures sont permises.”
Il faut également avoir conscience de son travail, à la fois de ses points forts et de ses points faibles “et cela passe souvent par le regard (professionnel) d’une tierce personne”.
Pour Vincent, le danger à éviter est celui d’écrire machinalement, sans remise en question, sans repousser les limites de son monde intérieur.
9. Selon toi, quelles sont les clés pour séduire son audience ?
Je crois beaucoup que, quel que soit le thème abordé, on perçoit la sincérité de ce qui a été écrit. C’est le parfum d’un texte. Il respire le cœur qu’on a pu y mettre.
10. Bonus : des maisons d'édition, des librairies, des sites à recommander ?
Vincent Germani recommande notamment le forum www.jeunesecrivains.com : “c’est toujours bien de pouvoir se serrer les coudes. Pour se rassurer, pour se réchauffer un peu entre pairs de temps en temps.”
Mon expérience d'auteure en devenir :
Les conversations avec Vincent Germani sont très enrichissantes pour moi et source d'inspiration. Ce que je retire de cet échange est l'importance de la rêverie et la nécessité de se nourrir de son monde intérieur pour explorer et se dépasser en écriture. Une bonne pratique que je retiens et que je m'applique maintenant est la prise de notes régulières, un genre de journal de bord de mes émotions, de mes pensées, de notes de lectures qui pourront comme le dit Vincent Germani peut-être "déclencher un texte".