The Anatomy of Story: 22 Steps to Becoming a Master Storyteller ou L'Anatomie du scénario n'est pas un ouvrage récent.  Le best-seller de John Truby continue à nourrir tout auteur en devenir ou confirmé depuis sa publication, il y a plus de quinze ans. 

Pourtant, le titre même peut effrayer, entre le nombre élevé d'étapes à suivre et l'objectif fixé — de passer "maître" en matière de storytelling et d'écriture créative. L'ouvrage est d'ailleurs resté sur une étagère de ma bibliothèque plusieurs années durant, sans que je parvienne à aller au-delà des premières pages, voire des deux premiers chapitres. 

Pourquoi ? 

Tout était une question de timing me concernant. Ces dernières années, étant en pleine réécriture puis publication puis promotion de mon premier roman Les pavés du pardon, je ne pouvais qu'aborder de manière abstraite et théorique la lecture de ce livre d'apprentissage qui recèle pourtant de bons conseils.

Mais pour les percevoir et les tester, il faut respecter son rythme et, idéalement, démarrer sa lecture en parallèle d'un nouveau projet, qu'il s'agisse d'un roman, d'un scénario ou d'une pièce de théâtre. 

Il y a quelques mois, alors que j'entamais en parallèle un projet d'essai et un projet de second roman, j'ai repris L'Anatomie du scénario et l'ai adopté à la fois comme livre de chevet et coach d'écriture. En même temps que des outils d'IA générative d'ailleurs (retrouver mes expérimentations dans la newsletter Je suis auteur).

Chapitre après chapitre, j'ai suivi la méthode Truby et voici mon retour d'expérience. 

Disclaimer, étant encore en plein dans la phase préparatoire, je n'ai pas encore terminé la lecture du livre. Donc mon retour d'expérience est encore partiel. 

Première étape d'écriture : le "premise" ou du "pitch"

Sans surprise, cet article et ce livre plairont aux écrivains qui apprécient planifier, anticiper, prévoir leur ouvrage au mieux avant même de démarrer l'écriture à proprement parler. Mais justement, les recommandations de John Truby et son analyse des erreurs habituellement commises par les auteurs mettent en avant deux choses : ils n'apportent pas assez de réflexion en amont à leurs récits, donc tombent dans de mauvais standards et clichés qui font que tant de films et de romans se ressemblent. À ce titre, tous les auteurs devraient se pencher sur sa méthode et en tirer ce qu'ils percoivent comme bon pour eux. 

Alors pour assurer l'originalité de son histoire, la première étape cruciale est de travailler en profondeur le "premise". En une phrase, il s'agit de résumer de manière juste, dynamique et compréhensible l'histoire que l'on souhaite raconter. Ce n'est pas un teaser, on ne laisse pas le suspense planer. Il s'agit de résumer l'essence de son roman, de son scénario pour que chacun puisse saisir d'entrée de jeu de quoi il s'agit précisément. Donc toute sa force. 

John Truby n'hésite pas à citer des exemples parlants, même si certains sont déjà trop datés ou parlants seulement pour un public américain. Nevertheless, les "premises "du Parrain ou encore de Star Wars parleront à tout le monde. 

Ne sous-estimez pas cette étape, j'y ai passé plus de deux mois et John Truby encourage à prendre tout son temps pour cela. Entre les phases d'exploration successives, les temps de pause pour laisser mûrir puis les phases de sélection pour réduire de plus en plus sa liste de "premise", il est essentiel de se montrer patient. Brûler cette étape revient souvent à sacrifier la solidité, l'originalité de son récit et à complexifier le processus d'écriture pour la suite. 

Deuxième étape : des possibilités du récit aux défis d'écriture à anticiper

Une fois le premise défini après de longues semaines de réflexion, on peut passer aux étapes suivantes. Celles qui vont nous pousser à approfondir notre ligne directrice en explorant toutes les possibilités et variantes du récit — pour ne sélectionner que la/les meilleure/s — mais aussi anticiper tous les défis de narration et difficultés d'écriture possibles. 

Là encore, John Truby met en avant à quel point la plupart des auteurs n'anticipent pas ces aspects. Et c'est... vrai. Moi la première lors de l'écriture des Pavés du pardon, ce qui m'a valu de passer d'autant plus de temps en réécriture pour retravailler et corriger des aspects qui auraient pu être fixés bien en amont. 

Par possibilités et variantes du récit, il s'agit de réfléchir à toutes les directions que le récit pourrait prendre à partir du premise. Les lister, les tester, les creuser puis les sélectionner pour ne retenir que les plus engageantes. Truby en recommande même une seule pour conserver la ligne directrice mais cela dépend aussi du nombre de vos personnages principaux. 

Pour les défis d'écriture à anticiper, je trouve désormais cette étape essentielle, l'ayant suivi pour mon projet de second roman ET mon projet d'essai en cours. Elle permet à la fois de préciser et de caractériser son récit, de prendre conscience de ses spécificités, puis de prévoir les difficultés éventuelles de son écriture qu'il s'agisse de la narration, des personnages ou de la structure choisie. Un auteur s'apprêtant à écrire un huis clos ou équivalent, à l'instar des Mandarins de Simone de Beauvoir, ne fera pas face aux même défis que celui qui prévoit une grande fresque sociale historique. Leurs défis seront même opposés !

Votre récit implique t il de nombreux personnages ou très peu ? Aurez-vous à effectuer des recherches approfondies pour assurer la vraisemblance de votre récit, qu'il s'agisse de concordance historique ou d'une discipline technique comme l'apnée ou le droit pénal ? Prévoyez-vous beaucoup de flashbacks ou une structure narrative en boucle comme celle de L'Alchimiste

Prenez le temps de répondre à ces interrogations de manière précise et concrète, cela vous servira pour plus tard. 

Troisième étape d'écriture : focus sur les personnages, de l'action de base au héros à définir et aux conflits qu'il doit affronter

C'est le stade — ou le groupement d'étapes — auquel je suis aujourd'hui. 

En toute honnêteté, je rencontre même des difficultés à cerner le concept de "designing principle" sur lequel John Truby insiste comme étant fondamental pour assurer l'originalité de son récit. Mais j'y travaille, sans exclure le fait de devoir remonter quelques étapes si besoin car elles sont inter dépendantes. Rencontrer un écueil sur l'un des stades peut vouloir dire que les étapes précédentes manquent de précision ou de solidité. Et il faut être prêt à retourner en arrière et corriger cela. 

Cela met en avant que c'est à la fois une méthode linéaire — pour le premier round je dirais — et une méthode qui implique un va-et-vient pour délivrer toute sa "puissance". 

Ce designing principle, je le rattache au concept de "prédicat". Au-delà du thème du récit, comment souhaite-on le raconter et qu'est-ce qui fait tenir l'ensemble comme un tout et non pas comme une simple somme des parties mises bout à bout ? On vise bien un ensemble organique, vivant, complet, et non un patchwork. Bref, la différence entre un plat réussi et un plat raté qui ne serait que la somme de ses ingrédients mis bout à bout et non pas une combinaison réussie. 

Mais heurter un écueil à ce stade n'implique pas de ne pouvoir avancer sur le reste. 

L'étape du "best character" ou meilleur personnage est particulièrement intéressante. Truby insiste sur un temps de réflexion à avoir là aussi pour percer au-delà du héros "évident". Le héros initial ne constitue pas forcément le meilleur personnage à suivre, donc celui qui pourrait être in fine le personnage principal. Souvent nos héros et héroïnes initiaux sont trop gentils, manquent de défauts, de vécu, de passions, de vices. Bref, pas si intéressants que cela et manquant de profondeur. 

John Truby ayant travaillé sur "Shrek", on peut y voir la justesse de cette réflexion. Initialement, le héros était peut-être la princesse Fiona ou même le prince égocentrique. Mais le récit ne prend t il pas une autre tournure à faire de l'ogre le personnage principal ? 

C'est bien une réflexion que j'adopte en ce moment pour être certaine que mes personnages principaux ne sont pas des clichés manquant de relief, mais bien les personnages que l'on aurait le plus envie de suivre. 

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Je vous laisse à la lecture des recommandations de John Truby qui m'accompagneront encore de nombreux mois dans l'élaboration de mon second roman duquel j'ai hâte de vous en dire plus. 

Et en attendant, vous pouvez toujours découvrir Les pavés du pardon et/ou les offrir à Noël ;)