Au nouvel an 2018, j’ai attrapé la gastro. Je ne savais pas que c’était le début de ma vie d’auteur : c’est lors de ma convalescence que j’ai eu l’envie de lancer un club d’écriture. Trois ans et près de trente sessions plus tard, c’était une de mes meilleures idées. Je vous raconte comment créer votre propre club d’écriture (sans autres informations sur ma santé gastrique, promis).
Pourquoi créer un club d’écriture ?
Évidemment, vous pouvez tout aussi bien rejoindre un club existant. Mais ce n’est pas toujours simple d’en trouver un, et on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Je tenais un blog de chroniques culturelles depuis plusieurs années, et j’étais un peu frustrée par le manque d’échange avec les lecteurs. Par ailleurs, j’avais envie d’écrire de la fiction, mais je ne savais pas par où commencer.
La méthode du « bac à sable » soutient qu’il est possible de s’éduquer en solo sur tout sujet qui nous intéresse à condition d’expérimenter dans un espace que l’on se crée. Notre « bac à sable » doit être :
1) Peu cher ou gratuit : pour se lancer facilement
2) Sans grands enjeux : pour ne pas avoir peur d’échouer ou de partager
3) Public : pour présenter son travail et ses progrès d’une façon ou d’une autre
Le club d’écriture coche toutes les cases. Il a bien été un formidable lieu d’apprentissage pour moi - et j’espère pour ses fidèles.
Mais ça n’intéressera personne !
C’est ce que je me disais au début, puis j’ai eu cinquante likes et de nombreux commentaires sur ma publication annonçant la création du groupe « Écrire des pavés ». Sans tomber dans les travers de l’injonction à la créativité, je pense que nous sommes nombreux à vouloir exprimer notre dimension créative. Et l’écriture est le mode d’expression le plus simple d’accès : vous avez simplement besoin d’un carnet et d’un stylo, ou d’un traitement de texte. Et oui, je le dis sans doute car je suis incapable de dessiner autre chose qu’un smiley.
Mieux vaut lire un long roman mal écrit et ficelé ou une nouvelle géniale ? Vous pouvez faire un super club d’écriture à deux ou trois membres. Lors des sessions, nous sommes rarement plus de cinq. Et c’est le maximum si l’on veut avoir le temps de lire et commenter les textes en deux heures.
C’est trop intimidant de lire ses textes en public, je n’y arriverai pas…
J’ai beau avoir lu un texte à chaque session, connaître les participants, aimer m’exprimer en public : avant de me lancer dans la lecture, j’ai le cœur qui bat plus vite. C’est inévitable. Vous présentez au monde une partie de vous qui était peut-être cachée jusque-là.
C’est pour cela qu’il y a quelques règles : ne jamais interrompre la personne en cours de lecture et toujours rester bienveillant. Toutes les personnes participant au club sont engagées dans une démarche d’écriture, et sont bien placées pour comprendre les défis des auteurs. Je n’ai jamais eu à recadrer.
Comment se déroulent les sessions d'écriture?
Je voulais initialement que les participants lisent les textes avant de venir, afin d’avoir plus de temps pour la discussion. Mais les auteurs ne partageaient pas les textes à temps, et les lecteurs ne les lisaient pas non plus. C’est alors que j’ai découvert le plaisir de découvrir un texte à l’oral.
À quand remonte la dernière fois où on vous a lu une histoire ? L’enfance, si vous êtes comme moi. Le choix de la facilité (lire les textes lors des sessions) s’est révélé une découverte aussi bien en tant qu’auteur - lisez un texte à voix haute, et vous repérez vite ce qui ne marche pas - qu’en tant qu’auditrice - avec un plaisir toujours renouvelé de prendre le temps de « simplement » écouter quelqu’un qui raconte une histoire.
Après la lecture, il y a un temps d’échange entre auteur et auditeurs… avant d’inverser les rôles.
Je fais comment avec le confinement ?
Le club d’écriture a commencé chez moi, autour de thé et beaucoup trop de sucreries. Comme toute notre vie sociale, il est passé en format numérique depuis mars. Je craignais que la qualité des interactions ne soit pas au rendez-vous en vidéoconférence, mais c’est loin d’être le cas. La principale perte est de ne pas voir les réactions des lecteurs lorsque l’on lit son texte. Mais l’avantage est que cela nous permet d’accueillir des membres qui sont éloignés géographiquement : une de nos fidèles (et courageuse) se connecte à 8h du matin depuis la Californie.
Une opportunité pour grandir
En lançant le premier club d’écriture, je n’avais pas d’attentes précises. Mon ego a été flatté de recevoir dix personnes à la première session, et vexé quand certains ne sont jamais revenus. J’ai rencontré des personnes formidables dont j’ignorais le talent pour l’écriture, et j’ai failli me brouiller avec une amie qui est partie en cours de lecture. J’ai découvert le plaisir des mots et me suis confrontée à la critique.
Mais surtout, j’ai rencontré mon auteur intérieur. L’auteur qui était là, qui avait des choses à dire, mais qui n’osait pas se faire entendre. J’ai commencé le club avec l’envie d’écrire de la fiction, et la peur profonde d’en être incapable. Aujourd’hui, je suis en train d’écrire mon premier roman.
En m’autorisant - car il s’agissait bien de combattre l'autocensure - à écrire des textes pour moi et à les partager avec les autres, j’ai apprivoisé ma voix. J’ai expérimenté : des bouts d’histoire, une parodie de self-help book, quelques poèmes, des récits autobiographiques, une aventure d’Arsène Lupin. Je me suis amusée, et en cours de route, je me suis rendue compte que j’étais capable d’écrire de la fiction. Mieux, que j’aimais ça. Moi qui pensais ne pas avoir d’idées, je me suis retrouvée à en avoir trop.
Le trajet ne s’est pas fait en un instant, et il continue. Le voyage de l’écriture peut durer toute une vie, et quoi de mieux que l’entamer entre amis et passionnés ? Rappelez-vous, vous avez simplement besoin de mots, de boissons chaudes et d’oreilles attentives.
On se retrouve à la prochaine session ?
Vous pouvez retrouver les créations des membres du club d’écriture sur notre page Medium Qui a un texte ?