En 2020, Georgia Terzakou a fondé L’Agence Littéraire du Centenaire pour accompagner les primo-romanciers ou écrivains confirmés. Nous l’avons interrogée sur ce métier parfois fantasmé, mais qui a beaucoup à apporter au monde de l’édition.  

On a tendance à associer les agents au monde de l’audiovisuel ou du sport. Sont-ils de plus en plus nombreux dans le monde littéraire ?  

Un agent littéraire fonctionne comme un agent artistique ou sportif : il se rémunère sur les droits que touche la personne qu’il représente, et travaille pro bono avant cela. Environ quatre cents individus se déclarent « agents littéraires » en France, mais seulement 36 agences littéraires sont recensées sur le site du SFAAL (le Syndicat Français des Agents Artistiques et Littéraires) qui est le garant de la déontologie de la profession.

Ce code déontologique interdit notamment à l’agent de se rémunérer avant la publication. Beaucoup de personnes m’écrivent pour me demander : « Est-ce que je peux vous payer afin que vous me trouviez un éditeur ? ». La réponse est non ! De même, si je facture une note de lecture à monsieur X, je sais que je ne pourrais jamais le représenter.

Quant à savoir si le métier va se développer… L’agent touche en règle générale 10 % des droits d’auteurs, or les auteurs eux-mêmes ne gagnent plus d’argent. Agent est donc un métier de crève-la-faim. Si les choses ne changent pas dans le monde de l’édition, je ne vois pas comment la profession pourra se développer. Ce sont les auteurs eux-mêmes qui feront la différence en se tournant vers des agents pour reprendre en main leurs droits.

Quel est le rôle d’un agent dans la chaîne du livre ?

Un agent gère tous les droits de l’auteur qu’il représente : les droits du livre broché, mais aussi les droits étrangers, les droits audiovisuels… Cela peut créer des tensions entre le Syndicat National de l’Édition et les agents, car les éditeurs peuvent voir d’un mauvais œil l’arrivée d’un acteur qui pourrait les reléguer au statut d’imprimeur. Un peu comme aux États-Unis, où le rapport de force entre agents et éditeurs est inversé par rapport à la France. Je n’ai bien sûr rien contre le fait que les éditeurs possèdent les droits du livre broché, mais actuellement les auteurs confient tous leurs droits lorsqu’ils signent un contrat d’édition. Alors que tout devrait être négociable !

Avec quels types d’auteurs travaille un agent ?

Je reçois beaucoup de manuscrits de primo-romanciers. À ce niveau, ma démarche ressemble à celle d’un comité de lecture : je cherche des textes avec des personnages forts, une intrigue bien ficelée, et un ton original. Il est impossible de défendre un texte s’il ne me plait pas. Un primo-romancier va vendre entre 300 et 600 exemplaires, donc je vais gagner 70 euros. C’est un pari sur le long terme.

Un agent peut aussi travailler avec des auteurs déjà édités, que j’appelle « la classe moyenne de l’écriture ». Il y a dix ou quinze ans, ces auteurs vendaient entre 8 000 et 15 000 exemplaires par livre, avec beaucoup moins de promotion qu’aujourd’hui. Cela leur permettait de vivre chichement de leur écriture, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, quand à qualité égale, les livres se vendent entre 800 et 5 000 exemplaires. Les auteurs appellent alors l’agence car ils pensent que le souci vient de leur éditeur. Il faut expliquer que le marché a changé : avant l’éditeur faisait un 4x3 dans le métro, quelques pubs à la radio, et c’était suffisant. Maintenant, avec internet et les réseaux sociaux, le travail est titanesque, donc les services communications des maisons se concentrent sur les auteurs qui vendent très bien.

Enfin, un auteur qui vit bien de son écriture peut contacter un agent pour deux raisons : son éditeur ne lui dit plus ce qui ne va pas dans son écriture, ou il souhaite faire un transfert de maison d’édition mais n’ose pas à cause des relations affectives qu’il a nouées avec son éditeur.

À quoi ressemble le quotidien d’un agent ?

D’abord beaucoup de lecture, puis de travail éditorial pour rendre le manuscrit présentable à un éditeur. Il y a aussi tout un pan juridique : vérifier des textes de loi, négocier les contrats…  

Il faut garder en tête que le monde de l’édition n’est pas aussi glamour qu’on l’imagine. Il n’est même pas glamour du tout. C’est un marché, culturel certes, mais un marché avant tout.

Côté auteur, qu’implique exactement le fait d’être représenté par un agent ? À quoi peut-il s’attendre ?

Il s’attend à ne plus s’occuper que d’écriture, et rien d’autre. L’agent soumet le manuscrit aux éditeurs, et négocie le contrat. Souvent, les auteurs n’osent pas négocier les contrats, car ils sont attachés émotionnellement à leur texte. Ils ont peur que l’éditeur leur dise : « Si c’est comme ça, je ne vous prends pas ». Franchement, si c’est le cas, il vaut mieux partir de toute façon. L’agent n’est pas dans la même posture, il peut opposer à l’éditeur : « J’aurai toujours d’autres textes à proposer, mais si l’échange se passe mal je ne vous les soumettrai pas ». Ce n’est pas une pression intense, mais c’est déjà plus que l’auteur.

Cela permet ensuite à l’auteur et l’éditeur de se concentrer sur le travail sur le texte.

Pourquoi un primo-romancier devrait-il faire appel à un agent ?

Je ne sais pas s’il devrait faire appel à un agent. Il y a beaucoup de déception chez certains auteurs, car l’agent ne peut pas garantir qu’il va trouver un éditeur. L’agent ne fait pas de promesses, il dit : « J’aime ce que vous faites, si ça ne passe pas avec ce manuscrit-là, je serai avec vous pour le prochain. » L’agent croit en vous à titre gracieux jusqu’à ce que vous puissiez vivre de votre art.

À l’inverse, il y a-t-il des situations où le recours à un agent n’est pas pertinent ?

Aucun intérêt d’envoyer votre texte s’il est déjà disponible en auto-édition, on ne cherche que des textes inédits et exclusifs. De même, si vous l’avez déjà envoyé à 20 éditeurs, l’agent ne pourra pas le placer non plus. Choisir un agent est un choix dans la façon de gérer sa vie d’auteur qui commence, il faudrait le faire en tout premier.

Il faut aussi que l’auteur soit capable de lâcher prise : il ne sait pas à chaque instant à qui le texte a été envoyé, il n’est pas présent lors des négociations… Cela ne convient pas à tout le monde.

Quels conseils donneriez-vous à un primo-romancier qui souhaite contacter des agents ?

Tout d’abord d’aller sur le site du SFAAL et consulter la liste des membres. Feuilleter le site des agences, voir ce qu’elles font pour trouver quelqu’un à qui ils ont envie de confier leur manuscrit. C’est toujours plus sympa de montrer à l’agent qu’on s’est intéressé à son travail plutôt que d’envoyer au hasard à tout le monde.

L’actualité de Georgia Terzakou

  • L'affaire Sylla, premier roman de Solange Siyandje, autrice représentée par L’Agence Littéraire du Centenaire, sera publié chez Gallimard (Série Noire) le 8 février 2024
  • Le Manuel d’écriture du primo-romancier de Georgia Terzakou,Réussir son marathon du premier roman, sera publié chez Eyrolles le 11 janvier 2024